Commissaire invité : Pierre Beaudoin
«Moridja Kitenge Banza est un passionné d'histoire, tant dans sa pratique artistique que dans sa vie de tous les jours. Pour l'artiste, les faits passés et documentés jouent un rôle primordial dans la détermination du caractère, de l'identité et de l'âme d'une nation. Traitant de sujets sociopolitiques et économiques dont les sources remontent dans le temps, son travail l'oblige à faire appel à l'histoire.
«Pour sa première exposition en sol québécois, Kitenge Banza revisite des segments de l'histoire du Canada. Par l'entremise du billet de banque, l'un des symboles identitaires d'un pays, il questionne l'importance de la mémoire collective en sortant de l'ombre certains de ses grands oubliés. Il transgresse les écrits et propose des pistes de réflexion qui remettent en cause les notions de pouvoirs et de territoires dans le contexte de la colonisation du sol canadien. Comment comprendre l'histoire sans interroger ses fondements, ses absences et ses ratés ? Comment peut-on la relayer dans toute sa complexité ?
Comme l'explique l'artiste, « Le dessin d'un billet peut contenir divers messages en dehors des renseignements pratiques sur sa valeur et sa provenance. Certains de ces messages sont explicites. Les légendes et les inscriptions figurant sur les pièces et les billets de banque nous révèlent souvent des éléments de l'histoire du pays. »
Cette transformation des figures emblématiques de la monnaie suggère une nouvelle vision de notre histoire. Où se situerait la nation canadienne si la proposition de l'artiste s'était avérée ? En quoi différeraient la politique et l'histoire canadiennes ? Que serait-il advenu des Premières Nations et de leurs alliés ? Qui seraient les grands gagnants, les grands perdants ? Les héros, les traîtres ? Et si Jacques Cartier n'avait pas « découvert » le Canada ? Ce sont là des questionnements qui rejoignent les préoccupations de l'artiste congolais à l'égard de sa propre histoire et de celle de son pays.
Selon l'artiste, « le but [de cette réflexion] est de poser un acte qui met en évidence le consensus inconscient sur certains éléments historiques qui constituent la création de chacune de nos sociétés ».
Par cette exposition et par la démarche rigoureuse qui la sous-tend, Moridja cherche non pas à critiquer, mais à travestir un pan de l'histoire canadienne !
En écho à Banque du Canada, l'artiste présente la vidéo Hymne à nous, une œuvre percutante d'une minute où il questionne sa condition d'Africain européen issue de la colonisation belge. Kitenge Banza a composé son propre hymne à partir de fragments de ceux de plusieurs pays « pour mieux rassembler ce collage, cette juxtaposition, ce métissage bricolé.»
Pierre Beaudoin
Commissaire