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Pigeons affamés, une œuvre actuelle et innovante

Écrite et mise en scène par Anne-Marie White, #PigeonsAffamés est une pièce de théâtre carrément ancrée dans la postmodernité. Critique observatrice d’un monde accro aux réseaux sociaux, elle nous fait voyager à travers des extraits de réalité surmédiatisée en perte de sens. Elle met en vedette une brochette d’acteurs polyvalents de la région d’Ottawa, capables de chanter, danser et faire des acrobaties : Marc-André Charrette, Nicolas Desfossés, Marie-Eve Fortier, Alexandre-David Gagnon, Lissa Léger, JP Loignon, Micheline Marin et Frédérique Thérien.

Oubliez les dialogues, oubliez l’intrigue : rien n’est fermé dans #PigeonsAffamés, c’est un amalgame de tranches de vies imbriquées les unes aux autres et jouées en symbiose. Abordant des thèmes comme la consommation, le bonheur et le sexe, les séquences se succèdent avec intensité, ne laissant pas de place aux dialogues entre les personnages, qui interagissent entre eux de manière erratique, impromptue, voire incongrue. Parfois face au public, parfois de dos, les acteurs se confessent à un thérapeute invisible ou imaginaire dans une conversation à sens unique où les voix s’interrompent et se coupent la parole au milieu d’une réplique. Les acteurs n’ont de voix, en effet, que celle qu’on leur prête, brièvement, entre deux chansons qui les libèrent.

Cadrant bien avec l’intensité de la pièce, les voix, belles et puissantes, rivent les spectateurs frissonnants à leur siège dans une montée dramatique soutenue admirablement par la musique et les multiples reprises que la chanson thème de la pièce « I can’t stop loving you ». Comme un motif rythmique cyclique, les reprises de ce succès de Ray Charles s’alourdissent en changeant ; par exemple, le croisement entre la chanson et le jingle de McDonald, pendant un segment où est parodié la section foire aux questions du site web du géant de l’alimentation rapide McDonald, le croisement entre la chanson thème et le jingle de la chaîne de restaurant donne « I can’t stop loving it ». Les acteurs nous font virevolter de moments forts et percutants en chansons scandées avec vigueur et conviction, en glissant çà et là des petites longueurs teintées d’immobilité pendant laquelle un personnage peut subtilement regarder son cellulaire en essayant de ne pas se faire remarquer, comme un élève qui envoie des messages textes en classe en espérant ne pas se faire surprendre.

Les personnages évoluent sans transcender leurs rôles dans un décor minimaliste enrichi par un jeu entre l’éclairage, qui veille à mettre les acteurs en boîte, et la pénombre, qui les enveloppe derrière un épais rideau de vide pour les soustraire brutalement à la vue et à l’attention du spectateur. À l’exception du DJ set qui apparaît vers le milieu de la pièce pour soutenir l’évolution musicale de #PigeonsAffamés, le seul objet utilisé dans la pièce est un banc de gymnase qui accueille les acteurs au moment de leurs confessions dans une ambiance vibrante et chargée.

La pièce, dont le titre n’est pas sans rappeler le réseau social Twitter, s’adresse à des habitués des arts de la scène qui sont ouverts aux mises en scène et aux scénarios sortant de nos zones de confort. Pour apprécier pleinement #PigeonsAffamés, le spectateur doit se laisser emporter par l’émotion qui sous-tend la pièce plutôt que par sa trame narrative peu conventionnelle.

#PigeonsAffamés est un spectacle multidisciplinaire qui met en valeur le talent immense de ses acteurs, sans avoir peur de confondre ni de surprendre le spectateur.

Crédit photo : Marianne Duval

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